Christian Robini, figure emblématique du cyclisme niçois, est né à Lantosque le 11 janvier 1946.
En 1962, un jeune homme au regard clair et à la détermination farouche rejoint les rangs du club du Gazélec de Nice. Son nom : Christian Robini. Sous la direction de Gilbert Faraut, figure emblématique et infatigable de la commission cycliste FSGT, le Niçois trouve un cadre à la hauteur de sa passion.
Observateurs et passionnés s’accordent à dire que Christian Robini ne roulait pas, il dansait sur la route. Sa position sur le vélo, toujours impeccable, traduisait une compréhension instinctive de ce qu’on definit aujourd’hui en tant que biomécanique du cyclisme : bassin stable, dos plat, bras relâchés, et ce fameux « tour de jambes » — rapide, régulier, presque hypnotique — qui lui permettait de relancer sans effort apparent, même dans les pourcentages les plus sévères.
Un style affirmé
Sur son vélo, chaque geste de Christian Robini semblait calculé. Son coup de pédale était fluide, précis, toujours au service de la performance. En descente, ses placements traçaient les virages avec précision , comme s’il connaissait chaque courbe par cœur.
Plus qu’un simple compétiteur, Christian avait ce sens du mouvement qui distingue les grands coureurs. Il roulait avec naturel, avec une excellente technique. Un style épuré et efficace — celui d’un homme qui maîtrisait son art.
Christian Robini descendait comme on rêve de le voir sur une course World Tour : trajectoires tendues, sorties de virage sans perte de watts. La vitesse n’était pas forcée — elle découlait d’une lecture parfaite du terrain et d’un positionnement millimétré.
À seulement 16 ans, ses talents lui permettent de concourir dans des catégories supérieures, surclassant les vedettes de l’époque.
Sous l’œil avisé de Gilbert Faraut, Christian Robini est invité à temporiser. Trop jeune pour brûler les étapes, mais déjà trop fort pour passer inaperçu. Gilbert Faraut voit en lui un coureur capable d’empiler les victoires.
Christian Robini confirme rapidement : plusieurs succès régionaux, dont une série impressionnante sur le Tour de Corse.
Avant de s’envoler pour la Martinique, où il effectue son service militaire en tant que coureur élite, Christian Robini confirme déjà son statut dans le peloton. Ce choix, réservé aux sportifs de haut niveau, témoigne de la reconnaissance de son talent et de son engagement. Même loin des routes azuréennes, il reste fidèle à l’esprit du cyclisme : rigueur, discipline et dépassement de soi.
Christian Robini avec le survêtement du Sprinter Club de Nice. A gauche Alain Morra. A droite l’oncle de Christian ,Mr Ange Poggini.
À son retour, Christian Robini intègre le prestigieux Sprinter Club de Nice, le club niçois où les opportunités de passer professionnel sont possibles.
Raoul le Sueur était chargé alors des entrainements.
Sous le maillot bleu et or, il remporte en 1966 le Mont Chauve, le Prix de Menton, le Championnat de la Côte d’Azur et bien d’autres courses marquantes.
L’éclosion d’un talent
Grimpeur de 1,68 m pour 64 kg, Christian Robini allie légèreté en montagne et puissance sur le plat. Passé par le Gazélec (FSGT), le Cyclo Club de Nice, puis l’ACBB pendant son service militaire, il brille rapidement sous les couleurs du Sprinter Club de Nice.
Résultats marquants :
9ᵉ Paris–Ézy
3ᵉ Paris–Évreux
2ᵉ Tour des Combrailles
7ᵉ Route de France
3ᵉ Trophée Peugeot
3ᵉ Paris–Saint-Pourçain
Champion de la Côte d’Azur
Vainqueur à La Turbie (1963) devant Georges Chappe
Sélectionné pour le Tour de l’Avenir
Explosion en 1966 :
Victoire au Mont Chauve
Victoire au Grand Prix de Menton
Victoire au Championnat de la Côte d’Azur
Nombreuses victoires régionales
Avant de devenir électricien, il consacre chaque heure libre à l’entraînement, forgeant une condition physique et mentale de haut niveau.
1967 : L’année de la confirmation
En 1967, Christian Robini confirme son ascension fulgurante dans le monde du cyclisme. Il s’impose une nouvelle fois sur les pentes du Mont Chauve et remporte le Grand Prix de Menton. Cette double épreuve, exigeante et emblématique, combine une course en ligne le matin à Antibes et un contre-la-montre l’après-midi dans le Mont Vial — un format taillé pour les coureurs complets, où Christian brille par sa régularité et sa puissance.
Cette même année, il se distingue dans plusieurs courses élite parisiennes, affirmant son niveau face aux meilleurs. Ses performances lui valent une sélection en équipe de France pour le prestigieux Tour de l’Avenir, un véritable tremplin vers le cyclisme professionnel ainsi qu ‘une reconnaissance méritée, à la hauteur de son talent et de son travail acharné.
A gauche, Christian Robini suivi par Claude Borgna
La consécration au Tour de l’Avenir 1967
Le Tour de l’Avenir 1967 marque le sommet de la carrière amateur de Christian Robini. Véritable antichambre du cyclisme professionnel dans les années 60, cette course prestigieuse était d’une exigence redoutable. Réservée aux jeunes espoirs, elle permettait aux futurs champions de se confronter à un niveau de compétition intense — un rite de passage indispensable avant d’accéder aux rangs professionnels.
Christian Robini est sélectionné par Robert Oubron, né le 18 avril 1913 à Goussainville et décédé le 7 février 1989, ancien champion du monde de cyclo-cross et entraîneur reconnu comme l’un des meilleurs techniciens de sa génération.
Sa décision d’intégrer Christian Robini à l’équipe de France témoigne du potentiel du coureur niçois.
“L’équipe de France victorieuse était composée de : Bouloux, Ricci, Guimard, Guyot, Robini, Heintz, Gouverneur et Samy.” — La Gazette de l’A.V.A – https://www.avanice.fr/
Dès le départ, les projecteurs se tournent vers Cyrille Guimard et Christian Robini, désignés comme les deux leaders naturels de l’équipe. Robini, grimpeur au style affirmé et rouleur solide, porte les espoirs niçois avec le maillot jaune et blanc. Sa capacité à gérer les cols et à maintenir un haut niveau d’intensité fait de lui un élément clé de la stratégie française.
Dès le départ, les regards se tournent vers Cyrille Guimard et Christian Robini, désignés comme les deux figures de proue de l’équipe. Pour Christian Robini, la mission est claire : faire briller le maillot jaune et blanc. Réputé pour son efficacité en tant que rouleur et sa capacité à gravir les cols, il affiche une énergie indomptable et une aptitude en montagne comme en plaine impressionnante. Tous les espoirs sont permis pour cet athlète au talent affirmé.
Cyrille Guimard, l’autre prodige
Cyrille Guimard, de son côté, impressionne par sa pointe de vitesse, son intelligence tactique et son abnégation. Il passe professionnel en 1968 et construit un palmarès exceptionnel : 94 victoires, dont 7 étapes du Tour de France, le Grand Prix du Midi Libre 1972, et le classement par points du Tour d’Espagne 1971.
Sa plus grande performance reste sa 2ᵉ place au Tour de France 1972, derrière l’intouchable Eddy Merckx — une confirmation de son statut de coureur d’exception.
Dans l’arène impitoyable du Tour
Les champions de la route se sont affrontés lors d’une compétition épique étalée sur 11 étapes. Lors de la 7ème étape, disputée entre Mont-de-Marsan et Bordeaux, Christian Robini était déterminé à s’emparer du maillot de leader. Cependant, c’est Bernard Guyot qui a triomphé à l’arrivée.
Bernard Guyot/Raymond Poulidor
Puis la moisson des coureurs français a été tout simplement remarquable :
Christian Robini s’est imposé avec panache, ramenant le légendaire maillot jaune à bandes blanches au Parc des Princes. Cyrille Guimard, quant à lui, a brillamment conquis le maillot vert, tandis que le classement des points chauds* est tombé entre les mains expertes de Heinz De plus, l’équipe française a dominé le classement par équipes, démontrant ainsi son statut d’élite dans le peloton.
Dans les montagnes exigeantes, notre fier représentant régional s’est hissé au sommet en décrochant la deuxième place au Grand Prix de la montagne, juste derrière l’Italien Arturo Pechielan, illustrant ainsi ses indéniables talents de grimpeur.
Les champions français ont tout raflé, faisant honneur à leur nation.
*Les sprints intermédiaires, popularisés sous le nom de points chauds, ont suivi l’évolution de leurs sponsors :
1966–1976 : Point Chaud (Miko, crèmes glacées)
1977–1983 : Rush (Simca / Talbot, automobile)
1984–1989 : Catch et le maillot rouge (Catch, produits insecticides)
Chaque nom reflète l’époque et l’esprit du cyclisme : vitesse, compétition et médiatisation sur la route.
EN ROUE LIBRE VERS LA VICTOIRE
« Le plus difficile, dira Robert Oubron, c’était de faire face à la terrible concurrence sur tous les fronts. À partir de Bordeaux, les Français étaient irrésistibles. Ce qu’ils ont fait est formidable. Jamais je n’avais dirigé une équipe aussi puissante. Jamais je n’avais trouvé un tel climat. Il n’y a pas eu un seul malentendu, pas une fausse note. L’équipe tricolore s’est affirmée par la qualité et par le nombre. Elle a maîtrisé la course. »
Christian Robini, arborant fièrement le maillot jaune, a franchi la ligne d’arrivée en vainqueur au Parc des Princes le 26 juillet 1967 avec une moyenne époustouflante de plus de 45 km/h. Cette performance remarquable confirme non seulement ses qualités exceptionnelles de grimpeur, mais également son expertise en tant que rouleur.
Christian Robini affirme pleinement son talent, portant haut les couleurs de son équipe. À son arrivée triomphale au Parc des Princes, vêtu du maillot jaune, il impressionne le public par sa maîtrise du parcours et une moyenne remarquable de plus de 45 km/h. Cette performance témoigne de ses capacités exceptionnelles : une puissance maîtrisée, une endurance hors norme, et une intelligence de course qui lui permet de briller aussi bien en montagne qu’en plaine.
CLASSEMENT GENERAL
Robini (France) — 28 h 28’ 20’’
Conti (Italie) — à 5’ 09’’
Gomez (Espagne) — à 6’ 16’’
Guimard (France) — à 7’ 26’’
Den Hertog (Pays-Bas) — à 8’ 24’’
Hrazdira (Tchécoslovaquie) — à 10’ 26’’
Bilic (Yougoslavie) — à 11’ 05’’
Pecchielan (Italie) — à 11’ 32’’
Wagtmans (Pays-Bas) — à 12’ 40’’
Calvacanti (Italie) — à 13’ 31’’ … Moyenne générale : 39,183 km/h
En 1968, Christian Robini franchit une nouvelle étape dans sa carrière en rejoignant avec fierté l’équipe Mercier, arborant le mythique maillot violet à manches jaunes — symbole d’excellence dans le peloton.
Tour de l’Avenir 1968 — Classement général
Cette tenue emblématique, aujourd’hui remise à l’honneur par Mathieu Van der Poel, rend hommage à son grand-père Raymond Poulidor, légende du cyclisme français et coéquipier de Christian Robini au sein de cette prestigieuse formation.
Cyrille Guimard rejoint lui aussi les rangs de l’équipe, ajoutant encore au prestige de cette formation d’exception.
Sous la houlette d’Antonin Magne, ancienne gloire du cyclisme français, reconnaissable à sa blouse blanche et son béret basque, Robini entame la saison 1968 avec détermination. Il participe à toutes les grandes épreuves professionnelles sur la Côte d’Azur, affrontant avec courage les exigences du haut niveau. Le Paris-Nice, notamment, se révèle être une épreuve d’apprentissage intense, mais Robini y fait preuve d’une ténacité remarquable.
Même Antonin Magne, pourtant avare en compliments, ne cache pas sa satisfaction face aux débuts prometteurs de sa nouvelle recrue. Conscient des défis à relever, Christian Robini aborde cette nouvelle étape avec une attitude résolue, prêt à se mesurer aux plus grands et à écrire une nouvelle page de son histoire cycliste.
Antonin Magne dans sa blouse blanche aux côtes de Raymond Poulidor
1968 :Les cadors souffrent dans la roue de Christian Robini. Raymond Poulidor, Ferdinnda Braque, Jan Janssen, Van Springel
« Je n’ai pas toujours été favorisé par la chance. Dans le Grand Prix de Cannes, j’ai été rattrapé près de la ligne d’arrivée. A St Tropez, j’ai roulé 100 km devant le peloton avec Bernard Guyot, Gilbert Bellone et Jean Jourden. Nous nous sommes faits dévorer tout près du but. J’ai aussi eu des crevaisons et j’ai chuté. Mon premier Paris-Nice n’avait pas mieux commencé pour moi. Néanmoins je pense que je me suis bien adapté. Je préfère d’ailleurs les courses professionnelles qui prouvent bien d’avantage que les épreuves des amateurs. Si on est costaud on est là, mais il y a une chose à laquelle il convient de s’habituer : ce sont les fins de course. Les 50 derniers km sont terribles car cela roule très vite et les attaques, toutes les attaques, sont portées avec une puissance extraordinaire. »
La route des rêves
Pour notre ami de Lantosque, la route vers le Tour de France 1968 reste semée d’incertitudes. Courir aux côtés de Raymond Poulidor demeure son plus cher espoir. Mais comme le rappelle avec justesse Antonin Magne, il lui reste encore à parfaire son expérience avant d’affronter le sommet du cyclisme mondial.
Hors du vélo, Christian Robini est un homme discret, souriant et d’une gentillesse rare.
Cependant une fois en selle, tout change : le tempérament s’affirme, la grâce devient force. Il rêve de la Grande Boucle, certes, et aussi de retrouver Nicole, sa fiancée, qu’il aime profondément — un amour aussi puissant que sa passion du cyclisme.
Preuve qu’au cœur même de la performance, il n’a jamais cessé d’être humain. L’émotion et l’amour sont souvent les moteurs invisibles des plus grands sportifs, ceux qui transforment l’effort en art, et la souffrance en beauté.
Le destin, pourtant, en décide autrement. Lors du Tour de France 1968, une violente chaleur et un grave problème de santé le contraignent à l’abandon dès la quatrième étape. Une fin prématurée, mais digne : celle d’un coureur qui n’aura jamais trahi son style, ni son élégance.
Malgré cela, l’aigle de Lantosque continue à courir avec l’équipe Mercier jusqu’en 1969, puis avec Frimatic-De Gribaldi en 1970, côtoyant des cyclistes de renom comme Joaquim Agostinho et Cyrille Guimard.,Agostinho,Delepine,Desvages,Foucher, Grain,Guimbard, et Patrick Plent : le Niçois…
Un champion au service de sa ville
Après une carrière cycliste riche en succès, Christian Robini met un terme à sa vie professionnelle en 1970, contraint par de graves problèmes de santé. Il rejoint alors le corps des Sapeurs-Pompiers de Nice, où il gravit rapidement les échelons pour devenir Chef d’Équipe et responsable de la caserne Bon-Voyage.
Son dévouement sans faille envers ses collègues, son sens des responsabilités et sa réputation bien méritée lui valent le respect unanime de ses supérieurs comme de ses hommes sous sa responsabilité.
Toujours fidèle à sa passion pour le vélo, il s’investit par la suite dans le Sprinter Club de Nice, où il occupe un rôle de direction aux côtés d’un autre grand champion : Charly Berard
. Ensemble, ils transmettent les valeurs du cyclisme aux jeunes générations, dans un esprit de rigueur et de camaraderie.
Une vie marquée par l’engagement et l’amour des siens
Christian Robini ne fut pas seulement un champion sur les routes : il fut aussi un homme de famille, profondément attaché aux siens. Marié, il a eu deux fils, Luc et Nicolas, à qui il a transmis les valeurs de courage, de rigueur et de passion qui ont guidé toute sa vie.
Après une existence riche en engagements — dans le sport, dans le service public et dans la vie associative .
Christian Robini nous a quitté à l’âge de 54 ans le 29 septembre 2001. Ce départ brutal laisse derrière lui un vide immense, une mémoire vive, nourrie par ses exploits, son élégance, sa volonté inébranlable, sa générosité et son sourire.
Son souvenir continue de vivre dans le cœur de ceux qui l’ont cotoyé, aimé et admiré.
Sources et remerciements
Cet article a été réalisé grâce à la consultation de plusieurs sources précieuses :
Journaux d’époque, notamment Nice-Matin et Le Miroir du Cyclisme (édition 1967)
Documents Nicolas & Luc Robini
Archives personnelles de Jean-Paul Poggini
Travaux de recherche initiaux réalisés par Yves Rossolin, à qui nous adressons nos sincères remerciements
Ressources documentaires : Wikipédia, Le Miroir du Cyclisme, l’INA (Institut National de l’Audiovisuel)
Juillet 1967. Tour d’honneur au Parc des PrincesTour de l’Avenir 1967. L’Italien Arturo Pechielan s’accrocheAvec les ténors de l’époqueVictoire au sprint devant Colombani.(Menton. Grand Prix des quincaillers)Course de côte de la TurbieChristian Robini n’a pas soif que de Victoires !Photo professionnelle commerciale de l’équipe Mercier1967Victorieux au parc des Princes
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